démarche

Je m’appelle Camillia et je suis une artiste visuelle émergente spécialisée en collage et en procédés photographiques anciens.

J’ai habité plusieurs endroits (Montréal, Gaspé, Québec) avant de décider de poser mes pénates dans la Baie-des-Chaleurs, en Gaspésie.

J’ai exploré plusieurs médiums avant de plonger dans le collage analogique. Le collage a ceci de particulier qu’il permet de construire un message par la juxtaposition de symboles picturaux. Dans ma démarche, ce message se trame au fil de l’expérimentation de combinaisons d’images; il ne précède par préalablement d’une intention. Le résultat du collage est plutôt issu de l’émergence d’un troisième terme entre l’œil et l’image : le symbole qui se manifeste à soi, comme le visage d’un être aimé que l’on croit apercevoir au loin et qu’on reconnait à fur et à mesure qu’il s’approche de nous.

Mes explorations ont culminé vers le choix du cyanotype comme médium de prédilection. Le cyanotype me permet, par la superposition de photographies et de matière organique, de faire émerger de nouveaux symboles et rapports. La synthèse de ces combinaisons de matériaux, une fois couchée sur le canvas, le papier ou tout autre médium, m’apparaît toujours comme un phénomène unique, imprédictible et sensible. À travers le cyanotype, la démarche, le médium et le sujet se mélangent pour former une dialectique fascinante. Unie au processus, je suis à la base et à la fin de celui-ci, à la fois à l’origine de sa création, et receveuse du symbole qu’il déploie dans son résultant. Enfin, le cyanotype est un procédé de développement photographique qui tire ses origines de 1842. La dimension patrimoniale de cette pratique nourrit ma démarche, puisque je suis fascinée par la réactualisation de l’ancien et son ancrage dans l’ici et maintenant, particulièrement à l’ère d’une technologie effrénée.

Aujourd’hui, je travaille à marier ces disciplines tout en y adjoignant d’autres matériaux anciens, comme des fenêtres antiques ou des planches de bois de grange, et d’autres médiums comme la poterie, la broderie, le transfert d’image et l’acrylique.

thèmes privilégiés

Après avoir obtenu un baccalauréat en philosophie, un certificat en archivistique et avoir entamé une maîtrise en archivistique, les thèmes de transmission de la mémoire, d’animalité et de rapport au corps se sont lentement imposés comme centraux dans ma pratique. L’histoire des femmes et les histoires de famille sont d’autres thèmes transversaux et des sources d’inspiration intarissables, tout comme l’étrangeté que je porte en ma propre identité – celle d’être le mariage de deux cultures opposées, de porter des gênes, des langues, des rituels qui se heurtent et s’entrechoquent. En les représentant figurativement, picturalement, c’est moi que je saisis, que je dénoue et recoud. Ma démarche vise à transfigurer une blessure, celle du naufrage de l’existence dans un corps métissé, de l’ambiguïté de la présence au monde, et de la fatalité d’échouer dans une chair à l’aboutissement d’une chaîne d’inconnus. Les fantômes de mes ancêtres, les femmes sans nom qui me précèdent, et ces histoires qui sont les miennes, mais que je ne connais pas, peuplent mon imaginaire, le transverse et me réconcilient dans le temps et l’espace.

Parallèlement à cet héritage familial qui me sollicite, je nourris de grandes sensibilités à l’égard du vivant, et je voue une attention particulière à la métamorphose du végétal. Les plantes, fleurs et végétaux me fascinent en ce qu’ils sont à la fois unis au monde par leur insertion écosystémique, et à la fois de minuscules plis identitaires dans le monde. Un niveau d’individualité minime mais bien là. À cet égard, je suis fortement influencée par les théories goethéenne de l’Upflanze, cette idée de plante primordiale de laquelle dériveraient toutes les autres plantes. De plus, l’idée que le vivant connaisse une incessante métamorphose selon un cycle plus ou moins défini (croissance, floraison, fructification) fait tourner mon regard vers l’expression de ces stades chez le végétal : le changement de couleurs, d’angles, et de l’apparence générale de la plante qui colore le paysage et lui donne sens.

Enfin, outre les questions de corporéité, de transmission culturelle et des transformations végétales, je ressens un attachement puissant pour les questions de préservation du patrimoine bâti et architectural. Les bâtiments, au même sens que les archives, sont de précieuses traces du passé qui réengendrent constamment le flux identitaire entre le soi et le monde. Ils sont d’ultimes rappels à la conscience de la générativité de l’espèce et d’un rapport à l’environnement en mouvance. Ce lien fragile et ténu invite à penser le passé comme une présence ambiguë actualisée à soi par des symboles physiques collectifs. Car les bâtiments patrimoniaux ne sont pas que des traces d’anciens modes opératoires du monde, ou de fonctions désuètes ; ils engagent l’identité personnelle et l’attachent à une identité collective. Cette mémoire est une source d’inspiration qui m’est très chère, et à travers divers médiums, je souhaite représenter le patrimoine bâti tel qu’il m’apparaît : comme une expression complexe de l’identité collective, à protéger à tout prix.

Pour conclure, cette biographie ne serait pas complète sans mention de l’importance de la Gaspésie dans ma démarche. Ce terrain fertile est pour moi vecteur de sens dans toute son équivocité. La Baie-des-Chaleurs me connecte à une sensibilité, une sensualité, une signification, un symbole. Son soleil bleu et ses terres plus chaudes que l’Espagne m’offrent un endroit où me déposer et m’incarner dans les gestes milléniaux qui conduisent à la création.

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